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La Ferme ! par la compagnie Antipodes, une autre version...

mercredi 20 septembre 2017, par Dominique Villy

El Konductor, personnage aussi fantasque qu’autoritaire, s’agite au volant de son chariot élévateur.

Son projet : construire un monde nouveau.

Avec son engin, il range, manipule, ordonne les animaux que nous sommes.
Ceux qu’on assomme de vérités à longueur de journée, dont on efface la mémoire, que l’on dresse à œuvrer à un idéal de croissance.
Ça l’émeut, ces corps qui travaillent à un monde meilleur.

Spectateur ou complice, on assiste ici à la mise à mort d’une utopie.

Depuis 2009, La Compagnie Antipodes travaille dans les Anciens Abattoirs de Nice.
C’est un terrain de jeu de 22.000 m², une friche poussiéreuse, rude et froide mais empreinte de mémoire. Les machines sont restées, les crochets, les rails.

Antipodes en a exploré les différents endroits : enclos, frigos, salle d’abattage, bergerie… Nous avons mesuré et éprouvé de nos corps ces couloirs menant au lieu d’abattage, sentit l’oppression de ces enclos, de ces tunnels sans retour… Senti une architecture qui contraint à la peur. Des barrières, un labyrinthe qui mène à l’inéluctable. Un lieu d’une extrême rentabilité, où en vingt minutes chaque partie de l’animal trouve une nouvelle fonction et va nourrir les habitants de la région niçoise.

Dans ce projet, ma recherche s’est tournée vers le « corps chair dissécable » et le « corps mécanique démontable » j’ai travaillé sur des états de corps intenses où le danseur devient une carcasse suspendue, un morceau de viande. Le squelette devient une mécanique. C’est dans cette ambiance de travail que l’idée de parler de la rentabilité des corps est née, dans ce lieu ouvrier, où l’on travaillait en cadence à la chaîne sur des corps vivants.

Dans ce spectacle, j’ai envie d’aborder les états de peur comme outils de contrôle et de domination. Des états de corps spasmodiques, d’urgence, de course. Ce cœur qui bat, qui cogne contre les tempes. Des sauts, des échos, des portés. J’ai demandé à Sedef Ecer, auteure franco-turque, de co-écrire avec moi le texte et la structure dramaturgique. Elle a décidé de puiser dans les systèmes politiques qu’elle a connus et de raconter de façon burlesque l’absudité de ces situations et leur cruauté. Parce que le rire fait aussi réfléchir, qu’il dérange et questionne. LISIE PHILIP

Danse-théâtre pour place publique ou hangar. Un chariot élévateur, 4 interprètes, 1 heure environ.
Dans ce système de société, les hommes doivent être aussi rentables et productifs que la machine, aussi efficaces. Les humains n’étant plus que des marchandises, ils se font également ranger par le chariot. Ils sont empilés, dés-empilés, déplacés, délocalisés. Le conducteur c’est El Konductor. Il ordonne, les autres doivent obéir à n’importe quel prix. Il manipule, asservit les autres, les range. Ce qui se joue dans l’espace de l’arène se propage peu à peu au public, on les intègre de plain-pied au système. Et…

Il y a cette envie, ce temps à suspendre. Un temps pour redevenir humain, se toucher, se regarder, souffler. Malgré cette course incessante. Une course dans tous les sens mais qui n’a aucun sens. Redécouvrir un temps non ­productif en dehors de toute rentabilité. Et le retournement : la prise de liberté du mouvement et de l’espace.

« Tous les animaux sont égaux, mais certains le sont plus que d’autres. »
G. ORWELL

Festival Chalon dans la rue

Juillet 2017

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