Œil de DOM
Se coucher tard nuit. Me lever matin m’atteint.

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Journal de confinement, page 14...

dimanche 12 avril 2020, par Dominique Villy

Vendredi 10 avril

Affalé dans un siège qui geint sous la charge, à l’ombre de cet arbre magnifique dont je tairai le nom par crainte de proférer une sottise de plus, je maudis le voisin qui, chaque après-midi que le Diable fait, depuis une semaine, joue avec son Kaercher. Sa terrasse devait être particulièrement crasseuse pour qu’il consacre autant d’énergie à la récurer.
À moins que...
À moins que le confinement avec la mère de ses enfants soit particulièrement redoutable et qu’il ait choisi en toute connaissance de cause le doux ronflement de son jouet...plutôt que les âcres criailleries de sa douce !
Qui n’a pas ses petits soucis ?

Suite à un épisode de rangement forcené, j’ai remis la main sur quelques bouquins jamais ouverts. Celui que j’ai descendu aujourd’hui à été acquis en 2001. J’ai du retard dans mes lectures. Pas toi ?

Je me pourléchais à l’idée de me plonger dedans.
Je me réjouissais à l’idée de m’extraire du tapage d’à côté par la magie et l’envoûtement de la lecture.

S’isoler dans la lecture. Ne plus vivre, quelques heures durant, que par les signes, les mots, les phrases alignées, jolies chenilles fantasques qui t’emmènent au-delà de tes espérances, dans les mondes imaginaires de celui ou celle qui a tissé les fils de l’histoire. Sentir battre ton coeur au rythme de la plume de celle, de celui qui raconte. Endosser le costume du personnage. Vivre ses émotions. Trembler de ses peurs. Rire de ses joies. Échafauder ses projets. Surmonter ses épreuves...
Le livre s’appelle "En enfer".
Il m’y a conduit.
J’en ai parcouru une soixantaine de pages. Dès la page 58, Catherine D, l’auteur, a déjà raconté cinq de ses sept tentatives de suicide.
Comment dire.... C’est à peine pesant.

Dans la période troublée qu’on traverse en ce moment, j’espérais un dérivatif. Quelque chose de truculent. Quelque chose qui emporte, qui soulève, quelque chose de léger.

Caramba ! Encore raté ! Bien fait pour moi : je n’aurais pas dû négliger la quatrième de couv, ni le titre.

Heureusement, il m’a fallu me rendre au chevet de notre voiture, non loin de chez nous. Elle a eu un conflit sévère avec une bordure de trottoir. Le granit l’a emporté sur le caoutchouc synthétique de chez Dunlop.

J’ai ainsi pu revenir à la vraie vie en m’efforçant d’obtenir du cric et de la manivelle qu’ils fassent leur travail de cric et de manivelle.

C’était aujourd’hui, demain sera un autre jour, borné par les mêmes limites spatiales.