Œil de DOM
Se coucher tard nuit. Me lever matin m’atteint.

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Journal de confinement, page 16...

dimanche 12 avril 2020, par Dominique Villy

Dimanche 12 avril
Pâques

Quand j’ai rendu mon tablier et cessé de travailler, bizarrement, le dimanche a gardé sa valeur de jour de repos. Étonnant, non ?
N’étant plus soumis à un rythme imposé, pouvant m’activer ou ne rien faire à peu près n’importe quand, j’ai tout de même conservé cette habitude.
Et pas du tout en vertu de préceptes religieux, vous vous en doutez.

Dans cette période de confinement où chaque jour ressemble à la veille, qui ressemble elle même au lendemain, mes schémas sont un peu bousculés.

" - Bon, c’est dimanche, aujourd’hui je ne fais rien. Juste un tour à vélo, j’en profite pour acheter un poulet rôti et du pain frais, et après, pique-nique au bord de la Loue.... Ah ! Merde ! C’est confinement. Pas moyen de pédaler, pas de petit marché à Battant, pas le droit de sauter dans la Honda pour filer à la Loue. MerdRe, trois fois MerDre".

En même temps, y a plus de roue de secours dans la Honda (épisode d’hier), c’est peut- être mieux de ne pas la sortir du parking...

Alors, qu’est- ce que je fais ? Rien, puisque c’est dimanche ? Mais une journée sans rien faire, ça va être affreux. Me reposer, mais je n’ai rien fait de la semaine, ni des trois semaines précédentes. Je n’ai pas de fatigue en retard...

Qu’est-que j’avais prévu ?
Le nécessaire est accompli. Depuis longtemps.
L’urgent est bouclé.
L’impossible est fini.
Les miracles sont en cours mais ne dépendent pas de moi : mes ailes d’ange gardien rechignent à pousser !

Ce qui ne servira à rien ni à personne, je préférais me le réserver pour les longues journées pluvieuses. Tant pis, je vais commencer tout se suite, puisque de toute façon ciel bleu, soleil, campagne, balades, randos, escapades à vélo, explorations nous sont interdits...

Ce qui ne servira à rien ni à personne se montre rapidement barbant à accomplir ; or, moi, ce qui me plait, c’est de bien faire les choses. Mener à son terme une tâche n’a de sens que si on est porté par l’idée de son utilité.

Résultat : Basta !

J’envoie tout promener. Je replie mes gaules. Je vais voir ailleurs comment ça se danse.

Trois étages plus bas, le jardin est paisible. Je descends.

"- Ben, me dit la voisine que j’y croise, dans ton journal d’hier, tu n’as pas évoqué la tarte que j’ai préparée avec les petites mains. Tu l’as cependant bien appréciée !"

La gaffe ! Courir le risque de ne plus me faire proposer une gourmandise sucrée, c’est pourtant pas dans mes habitudes...
Quand je vous dis qu’il nous aura tous, le coronaMachin !

" -J’attendais seulement d’être assuré qu’elle ne m ’ait pas rendu malade cette nuit. Comme je me porte comme un charme ce matin, je vais l’évoquer !"

Hop ! Oubli réparé. Pas avec une grande finesse, j’en conviens, mais tout de même.

Bouquins. Hermann Hesse, Tony Morrison, Verlaine.

Bouquins sortis à l’arrache de la bibliothèque-admirablement rangée et dépoussiérée- (voir les épisodes précédents) sans idée préconçue, sans y chercher de lien ni d’enchaînements logiques ; le hasard fait parfois bien les choses.

Picorer dans l’un, dans l’autre, s’enfoncer dans le troisième, partir, revenir...et en arrière plan, laisser mûrir les mots du journal de confinement d’aujourd’hui.

Écrire sans hâte, avec l’agréable certitude que la page sera prête au moment voulu...