Œil de DOM
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Journal de confinement, page 36...

lundi 4 mai 2020, par Dominique Villy

Lundi 4 mai

Carte de déconfinement :
Tout ce qui n’est pas vert est rouge.
Sauf ce qui est orange.
Mais tout peut encore changer.
Certaines fois, le rouge est devenu vert au bout de quelques heures.
Dans la nature, c’est plutôt le contraire. Les tomates sont vertes avant de virer au rouge.
Sauf si c’est une variété jaune.
Quant aux noires de Crimée, c’est une autre affaire.
Même chose pour les prunes noires qui restent rouges tant qu’elles sont vertes.
Dame nature n’est pas simple.
Les astuces du vocabulaire n’arrangent rien.
Mon grand-père, employé à la SNCF enfilait son bleu avant de partir au boulot sur sa mobylette. Or son Bleu était noir. Va comprendre.
C’était un foutu bagarreur. Parfois il rentrait du boulot, tout noir sur sa mobylette, donc, avec un bleu sur le pif.
Fallait pas lui demander ce qui s’était passé, il entrait dans une colère blanche.
Au bout de quelques jours, son bleu tournait au noir puis au jaune. J’ai su plus tard, beaucoup plus tard que ses bleus sur la tronche, il les devait aussi à de fréquentes chutes : il exagérait sur le rouge.

Compliqué, hein ?

Pour en revenir à la carte de déconfinement, j’ai essayé de repérer si les départements traditionnellement communistes, les Rouges donc, étaient plutôt verts, et si les Verts résidaient en priorité dans des régions rouges sur la carte. J’ai pas trop vu. Je me suis embrouillé. J’ai senti le rouge de la honte me monter au front, je me suis énervé et tout ce bazar a fini par devenir blanc bonnet et bonnet blanc. J’admire tous ces gens capables de réaliser des analyses politiques fines en quatre phrases bien tournées. J’suis vraiment un bleu face à eux. Ça me fait broyer du noir.

La carte de déconfinement, donc.

Est-ce qu’ils ont mis les traîtres en départements jaunes ? Ou est-ce un hommage rendu au Tour qui n’aura pas lieu ? À ce propos, on a du mal à croire que le Maillot Jaune puisse parcourir les quatre milles km de l’épreuve sans jamais entrer dans la zone rouge. C’est sûr qu’il doit sniffer de la Blanche. Les autres aussi, bien sûr. Coluche, mon Maître à penser, disait que s’ils n’avaient pas été chargés, les coureurs, pour arriver la 14 juillet, il leur aurait fallu démarrer à Noël.

Ma question, tout de même : nous, ici, dans notre verte contrée franc comtoise, le 11 mai, à quelle sauce sera-t-on croqués ?
Sauce blanche ?
Sauce poivre vert ?
Quelle cuisson ? Bleue ou rouge ?
Quel accompagnement ? Salade verte ? Riz blanc ?
Quel vin en accompagnement ? Un rosé léger, un rouge capiteux ou un blanc sec ?
Quel dessert ? Une coupe de fruits rouges ?

On rit, on rit... jaune.
On se fait des cheveux blancs, et il y a de quoi.
Si le 11 mai, on peut de nouveau sortir, ça ira. Faudra peut-être encore montrer patte blanche aux contrôles., mais c’est un moindre mal.
Si on est de nouveau cadenassés, si on ne peut pas se mettre au vert, on risque de voir rouge, faudra faire travailler la matière grise pour pas péter les plombs.
J’en connais qui vont user de la Fée verte ou de tournées de p’tit jaune pour tenter de voir la vie en rose…