Œil de DOM
Se coucher tard nuit. Me lever matin m’atteint.

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Mercredi 11 novembre 2020.

vendredi 13 novembre 2020, par Dominique Villy

11 Novembre.
Signature de l’armistice, fin officielle de la Grande Guerre, celle de 14-18.

Ça me rappelle immanquablement un repas, il y a une quarantaine d’années, dans un collège de Haute Saône, où on m’avait gentiment invité.
Ne connaissant quasiment personne, et ayant une sainte horreur de ce genre de festivités, je crois me souvenir que j’avais donné mon consentement uniquement pour un détail pratique. Peut-être ne disposions-nous que d’un seul véhicule à l’époque, et que le plus simple était que j’arrive avec cette voiture, à l’heure du repas, et que nous repartions ensuite...

Bref.

J’arrive, on me fixe ma place.

J’étais une sorte de sauvageon, à l’époque. Je me liais difficilement.
On est comme on est...

À ma gauche, une femme, un peu âgée, qui commence d’emblée à me saouler par son verbiage inintéressant au possible. Je ne sais plus quelle spécialité elle enseignait aux petits bouseux du bourg, mais ce n’était assurément pas la réserve ni l’effacement...

Rustre mais disposant d’un verni d’éducation, j’assure pendant une bonne heure mon rôle de voisin de table. Je tends l’oreille, j’approuve, je relance la conversation, je réponds même aux questions, certes avec de moins en moins d’entrain, mais j’assure un minimum syndical.
En vrai, elle me gonfle tu peux pas savoir à quel point...
Rien qu’elle n’a pas fait.
Rien qu’elle n’a pas prévu.
Rien qu’elle n’a pas vu.
Rien qu’elle ne saurait pas faire mieux que ce qui se fait dans le monde actuellement.
En matière de science de l’éducation, de lois du travail, de justice sociale, de politique intérieure, de géopolitique...elle connaît tous les dossiers.
L’écologie, on n’en parlait pas encore, mais j’imagine qu’à l’époque, le sujet la tarabustait déjà.

J’asphyxiais lentement.
Je devais avoir perdu mes couleurs.
J’avais le souffle court.

Elle se rend soudain compte de mon délabrement avancé.
Cette conne imagine aussitôt que c’est la puissance de ses raisonnements qui me laisse exsangue.

Alors, elle me regarde intensément une minute durant puis me donne son verdict :

- « Évidemment, vous êtes tout jeune. Vous n’avez pas encore autant de recul que moi pour analyser l’État du Monde dans lequel on vit. Mais ayez confiance, ça viendra. Moi, j’ai de l’avance sur vous. Vous savez (et là elle s’approche tout près de mon oreille et baisse d’un ton, manière de me faire considérer le prix de la révélation qu’elle va me faire). Je suis née juste après la Guerre ! »

Alors je saisis la perche qu’elle me tend à son insu :
« Laquelle de Guerre ? Celle-là ou l’autre, la Grande ? »

Heu... Je crois avoir gagné par KO.