Œil de DOM
Se coucher tard nuit. Me lever matin m’atteint.

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Journal de confinement, page 15...

dimanche 12 avril 2020, par Dominique Villy

Samedi 11 avril

Si tu crois que je vais me plaindre du confinement, passe ton chemin.

1-/ J’aime pas geindre.
2-/ J’aime pas geindre.
Alors hein ?!!

Et puis, faut relativiser :
Y a plus malheureux que moi.

Mon chez moi, c’est à peu près 350 m2.
Ça va, hein.
Je peux me retourner.
Je peux brasser de l’air.
Je peux voir venir.
L’horizon est loin, et plus j’en approche, plus il s’éloigne...

Bon, si la météo venait à faire des caprices et nous ramener des nuages noirs chargés de flotte, les conditions changeraient...pour le nombre de mes m2.
Ben oui, le jardin, sous des trombes d’eau, c’est moins classe !!!

Qu’importe.
Je suis prêt à vivre dans un tonneau, pour peu que mon imagination reste fertile...

Samedi, donc.
Appelons-la SIMONE.

Soucieuse de sa santé, Simone préfère consommer des légumes cultivés dans le respect de la Terre, sainement, sans pesticides, sans chimie. C’est une première chose, c’est son approche, alors pourquoi pas ?

Soucieuse de préserver l’air que nous respirons tous, Simone effectue la plupart de ses déplacements, tant professionnels que privés, à vélo. C’est bon pour sa santé, et l’économie réalisée -pas d’abonnement à la salle de sport en vogue- est bonne pour son port- monnaie.

Soucieuse d’arriver à bon port au lieu de sa destination, Simone quitte dès que possible les avenues, pas très encombrées ces temps-ci, c’est vrai, pour emprunter une portion de notre vélo route, entre le centre-ville et la commune de Beure, où se situent les serres des maraîchers fournisseurs de bonnes plantes comestibles.

Jusque là, tout va bien.
Ça ne va pas durer !

-  " Police, menottes, prison !" assène d’un ton ferme et assuré le gendarme posté au beau milieu de la vélo route.
(Là, j’exagère un tout p’tit poil, j’ai certainement forcé sur les rééditions des nanards avec Michel Galabru en guest star. Désolé, le confinement nous aura tous).

Non, le gendarme il fait juste son boulot de gendarme...jusque là.

-  " Veuillez garer le véhicule, Mâame, sivouplait. (Il ne sait pas encore qu’elle se prénomme Simone).

-  « Z’avez une attestation de déplacement dérogatoire établie en bonne forme, datée, signée et tout et tout ? »

-  « Ben ouais, rétorque Simone, en extirpant la paperasse coincée entre chou et navets ».

-  « Z’habitez rue Truc, commente-t-il d’une voix de stentor, distribuant force postillons tout à l’entour, sans masque évidemment et en retournant la feuille dans tous les sens, sans gants. Vous venez faire vos courses, à vélo, jusqu’ici ? V’savez qu’ vous Z’avez pas l’droit ?!"

Là, le fonctionnaire outrepasse ses droits et devoirs.

Simone sent immédiatement ses oreilles chauffer. Elle est comme ça, Simone. Fragile mais capable de gestes de bravoure héroïques.

-  "Comment ça, pas le droit ? Je fais mes courses chez les producteurs locaux depuis toujours, je circule à vélo depuis toujours, je n’enfreins pas la loi. Si j’étais venue en voiture, je passerais en ce moment même sur la nationale, de retour de chez le maraîcher et vous ne m’auriez pas arrêtée, puisque vous seriez en train de chercher des noises à une vélotafeuse * innocente ! C’est insupportable".

Et ben, Simone, elle a de nouveau enfourché son biclou, non sans avoir redressé les poireaux qui tentaient de se faire la tangente, et elle est rentrée chez elle, rue Truc, en pédalant comme une forcenée, à en faire patiner la roue arrière dans le bout de côte avenue Machin.

Pas de verbalisation : 135 balles d’économie. Pas mal !
Bravo Simone !!

*un vélotafeur, une vélotafeuse : Quelqu’un qui utilise son vélo au quotidien pour se rendre à son travail.