Œil de DOM
Se coucher tard nuit. Me lever matin m’atteint.

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Journal de confinement, page 39...

jeudi 7 mai 2020, par Dominique Villy

Jeudi 7 mai 2020

8 ième jeudi de confinement.

Quand j’étais gamin, le jeudi était un jour béni des dieux : c’était le jour de repos, sans école !

On l’aimait, ce jeudi. On l’attendait. On avait eu le temps d’élaborer des plans d’enfer, depuis le lundi.

À la campagne, l’élément déterminant, c’était la météo.
Fallait attendre jusqu’au matin pour être fixé. À peine éveillé, on filait à la fenêtre pour guetter la couleur du ciel.

Soleil :
on pourrait se retrouver au Bois d’École, pour entamer la construction de La Cabane, ou pour la consolider, ou pour l’agrandir.
Une plongée dans les boîtes à outils paternelles, dans les boîtes à bidules, dans les tiroirs à ficelles, une virée en toute discrétion dans la grange ou le bûcher, pour dérober quelques mauvaises planches, pour prélever quelques vieilleries qui dorment depuis une éternité, recouvertes de poussière, sous la surveillance d’araignées grosses comme ça.
Cacher les larcins dans les hautes herbes, à l’endroit stratégique choisi avec soin : ne pas se faire pincer au moment de partir avec le chargement !

Époque heureuse où les mômes que nous étions n’avaient pas de fil à la patte. Trente ans plus tard, c’est précisément cette génération qui invente le téléphone portable. Quelle connerie !

Nous, on n’avait même pas de téléphone fixe !

Pluie :
Si au petit matin, le ciel était en pleurs, alors...le programme restait inchangé, mais on serait mouillés, et c’est tout !

Neige :
Si la neige était tombée durant la nuit,
On le savait depuis la veille, pour avoir entendu les adultes râler toute la journée : "Mais y z-ont le Diable au corps aujourd’hui, c’est sûr qu’y va neiger cette nuit !"

Le programme des bâtisseurs de cabane était évidemment ajourné. La jeudi se passerait alors dans le froid vif, en glissades, acrobaties, chutes et remontées interminables.
On avait déjà trouvé le temps de polir les patins de nos luges. Fartage avant l’heure, à la paraffine de pot de confiture, dérobée elle aussi, en douce, et qui passait de main en main, qu’on étendait, qu’on tartinait généreusement.

Le champ "à Déhret" et le champ "des boeufs" offraient des descentes vertigineuses, quelques genoux luxés, quelques bras cassés s’en souviennent plus d’un demi-siècle plus tard.

C’étaient les jeudis de cette époque.

Le jeudi présent, celui qu’on achève de traverser, au moment où tu lis cette page, on l’attendait depuis xxx semaines. Il est à priori le dernier d’une lonnnnnngue série : la série des jeudis cagibis.

La fin de ce confinement se profile. Vendredi, samedi, dimanche...

Si tes tiroirs ne sont pas tous en ordre, ils n’y seront jamais.
Si tu n’es pas devenu fada, tu ne le seras jamais.