Œil de DOM
Se coucher tard nuit. Me lever matin m’atteint.

Accueil > Textes > Journal de confinement > Journal de confinement, page 32...

Journal de confinement, page 32...

mercredi 29 avril 2020, par Dominique Villy

Mercredi 29 avril avril

Il pleut.
M’en fiche.
Sortir sous peine d’implosion.
Je vais pas laisser passer mon heure de promenade. Elle ne me sera pas remboursée. Inutile de l’économiser. Au contraire. En profiter. Au Max. Sinon l’algorithme transporté par le drone qui m’épie en permanence va conclure que soixante minutes, c’est trop pour un vieux mec comme moi, et il restreindra ma ration. Sortir, avec l’intention d’ouvrir l’oeil.
Trouver le détail jamais aperçu jusqu’à ce jour.
Excellent exercice d’observation, excellent exercice de style.
Le fidèle G1X au creux de la main pour enregistrer les images.

Image n°1. Il a attrapé le covid. Une variété qui s’attaque aux arbres. Le voilà défiguré, sans espoir de guérison. Il va traîner cette gueule d’éléphantiasis à vie. Lui, le masque, c’est pas pour éviter de postillonner sur le passant, qu’il devra le porter ; c’est pour pas l’effrayer. Pourquoi il n’en a pas, de masque ? Ben voyons, c’est Macron qui devait passer la commande. Il ne l’a pas fait : les arbres ne votent pas.

Image n°2. En plus d’avoir des oreilles, les murs parlent. Ils ne disent pas que des conneries. Je me demande bien pourquoi, quand il s’agit de manifester notre mécontentement dans la rue, on ne les voit jamais en tête ou en queue de cortège. Ça aurait de l’allure ! Mais non, il préfèrent les raser, les murs...

Image n°3. Ils sont prudent à l’excès, les résidents de cet immeuble : ça fait trente ans qu’ils sont confinés. Trente ans qu’ils n’ont pas aéré leur taudis. Trente ans que personne ne les a vus sortir de leur tanière. Ils comptent encore en Francs. Peut-être même en Anciens Francs. Quand je regarde l’image que me renvoie le miroir, chaque matin, depuis sept semaines, je me dis que ma tignasse est loin d’atteindre la taille de la leur...

Image n°4. Vingt Diousss ! C’était bien la peine d’entreprendre des travaux pharaoniques pour que la ligne TGV ressemble à ça après quelques semaines de confinement ! Rappelez-moi quel pourcentage de mes impôts a servi à financer une partie de ce champs de désolation ?

Image n°5. Les gens d’ici devaient trier et faire du vide dans leur fouillis durant l’épisode de confinement de la grippe espagnole, en 1918. Ils ont échoué. Souhaitons leur de réaliser leur projet durant l’épisode actuel !

Image n°6. Dame Nature est bien bonne d’offrir une aussi jolie promesse de vie à l’humain qui ne cesse de la massacrer.

Image n°7. Il fut une époque où les hommes voyageaient d’une contrée à l’autre, à bords de chars puants, pour des raisons futiles autant qu’irrationnelles :
" C’est mieux là-bas".
" C’est nul ici".
" Mon boulot est loin, mais j’ai besoin de ce salaire pour payer le char qui m’y conduit le matin et qui me ramène ici le soir".
" Le prix du baril s’effondre, je m’enrichis chaque fois que le laisse cinquante euros au pompiste".
" Le kilo de poireaux coûte trente centimes de moins au Sparr de Lons le Saulnier que chez l’arabe du coin de la rue".
" Bébé ne s’endort chaque soir qu’au soixantième km".

À cette époque faste, le voyageur se repérait sur le terrain grâce à ce genre de statuettes disposées régulièrement tout au long des grands chemins. Celle ci, dédiée à une divinités païenne, saint RN 73, est une rescapée, sise à moins de 1000 mètres du centre ville...

Portfolio