Œil de DOM
Se coucher tard nuit. Me lever matin m’atteint.

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Mes clefs !!!

dimanche 18 mars 2012, par Dominique Villy

Trop bête...

On a tous nos faiblesses, hein ?

On traverse tous des moments où les événements ne s’agencent pas comme on souhaiterait, hein ?
On s ’égare tous, de temps en temps, hein ?
Hein ?
Dis-moi oui...
Oui ! Dis-moi que toi aussi, parfois, tu ne fais plus face...
Dis-moi que Toi aussi, tu te prends le chou pour des p’tites choses qui n’en valent pas la peine.
Dis le moi, bordel, où je vais encore dérailler !!!

Pour moi, en ce moment, c’est avec les clefs que j’ai un souci.
C’est grave, Docteur ?

À priori, c’est pas grave ; mais qu’est-ce que ça m’énerve !!
Ça m’énerve, ça m’énerve, ça m’énerve !
Et pis c’est tout !

Une fois, c’est le trousseau entier qui passe dans le container à poubelles, un soir. Le lendemain matin, je me rends compte de la mauvaise manœuvre. Je m’apprête, en maugréant, à vider ledit container à l’heure du petit déjeuner. Hélas, les éboueurs sont passés avant le lever du soleil !

Une autre fois, le clef de la voiture se désolidarise du reste du trousseau et file à l’anglaise dans un parking allemand...

Une autre fois encore, alors qu’une seule clef de la voiture n’est pas perdue,...elle reste enfermée dans la voiture...

Ça m’énerve, ça m’énerve, ça m’énerve !

Samedi soir, je me rends à un spectacle de cirque dans la forêt de Chaux.

Zèle d’Anges, une compagnie locale et talentueuse a dressé son portique dans une clairière et sa douzaines d’acrobates vont enchaîner les numéros sous les ramures des grands chênes. Je me pourlèche par avance. Boîtiers et objectifs sont calés dans ma besace, ainsi qu’une lampe torche et un chandail -les nuits sont fraîches au cœur de la forêt jurassienne.

Je range ma voiture comme on me demande de le faire, dans un pré, quelques kilomètres après le village de Fourg.

Je range soigneusement le trousseau de clefs dans une poche hermétique de mon sac à dos et je vérifie deux fois au moins que la tirette de la fermeture éclair est bien engagée à fond.
Puis, d’un geste ample, je balance le sac sur mon dos, et je pars.
Deux kilomètres à peine me séparent du site.

Je rencontre évidemment un copain, avec qui je bavarde un moment, puis une parfaite inconnue que je ne reconnais donc pas mais qui semble bien me connaître, et mon vieux Tonton qui est là en qualité d’acteur durant ce week-end festif.

Environ cent mètres avant la scène, je quitte le chemin forestier pour entrer dans la broussaille, afin de surprendre les acrobates qui s’échauffent. Je me griffe un peu au passage, mais qu’importe : l’enthousiasme me porte.

Je fais le tour des installations, je serre la louche des musiciens qui s’accordent, je taille une courte bavette avec Geneviève, la maîtresse de cérémonie puis je m’installe là, tout devant, comme j’aime.

Une amie, Fanfan, me lance un petit coucou ; elle est installée avec son copain Fifi quelques mètre derrière moi.

Une autre, que j’avais croisée en route, surveille sa nichée, à quelques mètres.

Le spectacle commence.
Le spectacle se déroule.
Je me régale.
Je photographie.
Je scrute.
Je détaille.
Je connais assez bien le spectacle, je sais quelle image j’attends.
Je la saisis.
Je me régale, que je te dis !

Un spectacle rondement mené se termine toujours trop vite. Tu commence à te sentir bien, et hop ! c’est déjà fini !

C’est encore vrai ce soir.

Quand les artistes saluent et recueillent leur lot d’acclamations, je me relève et je commence seulement à ressentir le froid.

Ranger le boîtier, sortir la lampe torche, fermer le sac, vérifier que le compartiment où j’ai rangé les clefs et toujours clos.
OK.

Je passe un peu de temps avec Fanfan et Fifi.
Ils ont froid, ils filent.

Une bise à Geneviève, un coucou aux filles qui commencent à ranger le matériel, quelques mots échangés avec les inévitables spectateurs que je rencontre systématiquement devant les scènes durant les festivals, ici ou là... et le repars, par le chemin balisé cette fois.

Mais comme je n’aime pas les fins, je rebrousse chemin après vingt mètres à peine, pour faire quelques photos d’ambiance. J’y passe les dix minutes nécessaires. Je me sens mieux, alors je saisis mon sac, j’ouvre le compartiment où dort sagement le trousseau de clefs....et je constate que celle de la voiture manque........

Mon sang ne fait qu’un tour (n’ajoute pas : de clef !) et j’entre dans l’irrationnel. Une colère froide me saisit. Je peste, je grince, j’éructe, je m’insulte ; heureusement, je manque de la souplesse nécessaire pour me botter le cul !

Je vide intégralement le sac sur le tapis de la piste. Je fouille mes poches. Je retourne tout et une sueur aigre me coule entre les omoplates. J’avise Geneviève de ma situation ridicule, elle fait immédiatement une annonce aux spectateurs encore présents sur le site. J’explique, par phrases saccadées, ce que j’ai égaré, où je me tenais, où je me suis rendu, et je réponds à toutes les questions que poesent les braves gens prêts à donner le coup de main qui va bien.

En quelques secondes, je me trouve au centre d’une trentaine de personnes qui éclairent le sol, fouillent, grattent, soulèvent des monceaux de feuilles sèchent, des branchages... Je pense qu’une armée de marcassins n’aurait pas fait mieux.

Miracle de la téléphonie moderne : je fais promettre à Fanfan et Fifi de ne pas quitter le parking avant 20 minutes. Au moins, je ne rentrerai pas à pied...

Quand un groupe fait son possible pour aider un malheureux, il y a immanquablement une foule de questions inattendues :

  • T’es sûr que t’avais des clefs ?
  • T’as fouillé ton sac ?
  • T’as vidé tes poches ?
  • T’a regardé dans ton slip ?

Évidemment, j’aurais été le premier à poser la question idiote, le cas échéant !

Au bout de quelques minutes, je décide que l’on doit cesser les fouilles : j’ai une solution de repli pour rentrer, je reviendrai demain avec le double de la clef , et j’en serai quitte pour engraisser une fois de plus M. Renault !

Je remercie tout le monde, et je parcours les deux kilomètres dans la noirceur de la nuit, la truffe au ras du sol, on ne sait jamais !

Les Fanfan/Fifi me hèlent quand j’arrive à proximité de leur voiture. Je raconte une fois de plus mon odyssée, je deviens cabotin. Mais j’ai encore les nerfs. Fanfan tente de me faire rire, ça sonne faux...

Je propose de jeter un coup d’oeil autour de ma voiture avant d’embarquer dans la leur..

LA CLEF EST LÀ, à côté de la voiture, dans l’herbe !!!

Je ris de ma sottise, et m’apprête à remettre cette foutue clef sur le mousqueton..... Je ne retrouve pas le trousseau !!!!!!!!!

Plus bête que bête !!!

Je re-vide le sac, les poches. Rien...

Bon, c’est moins gênant : je vais retourner sur le site, j’ai certainement laissé ce trousseau sur le tapis, j’étais tellement fébrile. J’assure les Fanfan/Fifi qu’ils peuvent rentrer, je vais m’en sortir cette fois.

On se quitte.

Je fais demi-tour.
Je suis sur le site trois minutes plus tard.
Je fais rire les plus moroses avec mon histoire à épisodes.
Geneviève me propose de dormir sur place, dans la tente-loges...

J’assure que tout va bien, je furète sur le tapis, je soulève deux ou trois fagots de trépieds, des faisceaux de câbles, des boîtes...et je ne trouve évidement pas mon trousseau.

Qu’importe, demain, à la lumière, vous allez le retrouver. Je passerai dans la semaine chez Geneviève et tout ira bien.
Je plaque mes mains sur mes cuisses avant de quitter la compagnie....et je sens sous ma paume droite...le trousseau, dans ma poche !!!

C’est grave, Docteur ??